Projet de Loi de Santé : Qu’en est-il après l’Assemblée Nationale ?

Comme nous vous l’annoncions il y a quelques jours dans cet article et mardi dans cette vidéo, le Projet de Loi relatif à l’organisation et la transformation du système de santé a été débattu, amendé puis adopté cette semaine par nos députés à l’Assemblée Nationale.

Faisons un bref tour d’horizon des principales mesures acceptées par les députés.

 

Face à la coercition, la raison l’emporte une fois de plus

De nombreux amendements proposant une régulation des installations des médecins libéraux, la coercition, sous différentes formes, ont été étudié. Obligation d’installation dans certaines zones  pendant une période donnée à la fin de la formation, conventionnement sélectif, limitation de la durée d’accessibilité au statut de remplaçant, ouverture de postes spécifiques dans le cursus pour des étudiants s’engageant à exercer la Médecine Générale dans des zones fléchées, etc : tous les amendements ont été rejetés par l’Assemblée Nationale.

Les internes de Médecine Générale saluent ces décisions dont nous soulignons depuis longtemps la dangerosité pour l’accès aux soins. On ne le répétera jamais assez, le problème est le manque global de médecins, pas leur répartition. N’hésitez pas à lire notre dossier complet pour plus d’information.

 

La refonte de l’organisation des soins, avec les professionnels

Le Projet de Loi de Santé vise à faire évoluer notre système de soins, par la réorganisation des soins à l’hôpital et en ville, tout en développant leur articulation.

Ainsi, le déploiement de Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), structures voulues pour aider à organiser et pour coordonner les soins primaires dans les territoires a été adopté. Nous rappelons que c’est aux acteurs du territoires de se coordonner et les CPTS peuvent être un outil pour cela. Cependant nous resterons vigilants à ce que les impulsion viennent bien du terrain, pour empêcher des non-sens technocratiques.

Il faut souligner que l’Assemblée Nationale a amendé une proposition qui cadrait les missions des CPTS. Afin de rester souple dans les organisations locales et de respecter les négociations conventionnelles interprofessionnelles en cours. Ces missions seront à définir directement par les négociations entre l’Assurance Maladie et les professionnels de santé concernés.

A ce sujet, nous pouvons également souligner la volonté de déploiement des hôpitaux de proximité, structures hospitalières ancrées dans les territoires, interfaces idéales entre le monde hospitalier et les GHT, et les soins de premier recours. Cette disposition, qui demande encore à être précisé, pourra être un pas en avant pour aider à la coordination des soins hospitaliers et des soins de ville.

 

La dispensation des pharmaciens, sous protocole

La dispensation par les pharmaciens de certains traitements, sous protocole, avait déjà été validée par la Commission des Affaires Sociales et a été adopté par les députés. Ce dispositif permettrait la dispensation par les pharmaciens d’officine de médicaments, normalement accessibles sur ordonnance, selon des protocoles bien définis, validés par la Haute Autorité de Santé (HAS), dans le cadre de pathologies définies. Cette dispensation s’inscrira dans le cadre de l’exercice coordonné et ne pourra se faire qu’avec l’aval des médecins du territoire correspondant, et uniquement sur les temps de Permanence des Soins Ambulatoires.

Nous regrettons le manque de concertations préalables des professionnels dans la mise en route de ces mesures : ces concertations doivent avoir lieu pour permettre aux professionnels de s’accorder dans les partages de compétences.

 

La réalisation de certificats de décès par les internes et les médecins retraités

Dorénavant, si la mesure adoptée était définitivement dans quelques semaines, les internes et les médecins retraités, sur la base du volontariat, pourront être contactés pour constater un décès et en réaliser le certificat. Cet acte serait rémunéré spécifiquement 100 euros en dehors des horaires d’ouvertures des cabinets (nuit, week-end, etc), ou à n’importe quel moment dans les zones sous-dotés.

Cette disposition a pour but d’éviter des situations de blocage quand aucun praticien en exercice n’est disponible rapidement pour constater officiellement le décès d’un patient, notamment quand celui-ci survient au domicile des proches.

 

La désignation d’un médecin traitant par l’Assurance Maladie retoquée

Évoquée dans notre premier article, de nombreuses voix se sont élevées contre la possibilité pour les patients ne trouvant pas de médecin traitant de saisir l’Assurance Maladie, pour qu’elle leur désigne d’office un médecin. Ce texte, validé par la Commission des Affaires Sociales, a été modifié : il ne s’agira plus d’une désignation, mais d’une proposition de l’Assurance Maladie au patient au regard des professionnels disposés à accepter des patients supplémentaires, laissant la décision finale au patient et au médecin.

 

Un signal positif pour l’exercice coordonné IDE-médecin généraliste

Selon la proposition adoptée par les députés, les IDE pourront adapter la posologie de certains traitements après réalisation d’un bilan biologique, dans le cadre d’un protocole créé conjointement entre le médecin traitant et l’IDE. La liste des traitements concernés serait déterminée par le Ministère de la Santé après avis de la HAS. Ce dispositif a pour but  d’éviter des consultations supplémentaires avec le médecin généraliste, dans un cadre défini, avec un retour systématique au médecin traitant.

L’ISNAR-IMG soutient cette mesure en faveur d’un exercice du soin coordonné entre professionnels de santé exerçant en ville. Les professionnels souhaitant associer leurs compétences en s’engageant dans un protocole de soins doivent pouvoir le faire. Nous restons bien entendu attentifs à ce que l’esprit, et le corps, donné à cette proposition soit conservé.

 

Un pas important pour l’indépendance en santé

Un vote à l’unanimité a permis l’adoption d’une mesure interdisant aux industries pharmaceutiques d’offrir des cadeaux aux étudiants en santé. Ce dernier point est un grand pas en avant et une victoire pour l’indépendance dans notre formation vis à vis de l’industrie du médicament, dont nous nous réjouissons.

 

Et après ?

Le texte adopté à l’Assemblée Nationale doit maintenant être étudié par le Sénat dans quelques semaines, normalement début juin. Une analyse détaillée du texte, approuvée par les députés sera prochainement disponible sur notre site internet.

Concernant les problématiques d’accès aux soins, la campagne #Agirpoursoigner continuera sur les réseaux sociaux pour vous informer sur les discussions à venir, suivez-nous sur Facebook et Twitter !